Marie, assistante familiale depuis 17 ans : "Pour quelqu'un qui veut apporter quelque chose à un enfant, c'est un super beau métier."
Assistante familiale depuis plusieurs années, Marie, 60 ans, revient sur son parcours et ses premiers pas dans ce métier en se remémorant son premier accueil, Quentin, 9 ans. Entre démarches administratives et souvenirs marquants, elle partage son expérience avec simplicité et sincérité. À travers son témoignage, on découvre la réalité d'un quotidien fait d'émotions fortes, de découvertes et d'engagement, où l'accompagnement des enfants se construit pas à pas, avec le soutien de toute une famille et d'une équipe éducative.
"On a amené des enfants vers l'autonomie. On a amené des enfants à vivre une vie normale, entre guillemets. On a apporté un cadre, une structure. On voit qu'ils ont besoin d'être un peu comme tout le monde"
- Marie
Une volonté de longue date
Dans la restauration depuis près de 20 ans, Marie savait qu'un jour, elle ferait les démarches pour devenir assistante familiale. Attendant un déclic et que ses enfants soient un peu plus grands, elle explique avoir finalement trouvé le bon moment après avoir cessé son activité :
"Je connaissais déjà ce métier avant de commencer car ma tante, qui habitait dans le Sud, était assistante familiale. Elle accueillait un petit et je la voyais faire à chaque fois qu'on allait en vacances. Je trouvais que c'était un beau métier, j'admirais ce qu'elle faisait, et je m'étais dit qu'un jour, pourquoi pas moi. Mais mes enfants étaient petits, j'ai préféré attendre que mes enfants soient plus grands."
- Marie
Le défi de l'agrément transformé en opportunité
L'agrément demande de répondre à de nombreuses questions et des mises en situation, parfois difficiles. Mais cette étape fondamentale prépare la famille à toutes les situations qu'elle pourra rencontrer, et permet de réfléchir à ses propres limites et méthodes d'accompagnement :
"Au début, c'est un peu perturbant, car il y a quand même beaucoup de questions, sur notre vie privée, sur la vie familiale, sur nos enfants, sur notre façon de vivre. On a l'impression que c'est un peu intrusif au début, mais au final, avec le recul, je trouve que c'est normal."
- Marie
L'obtention de l'agrément est une étape qui demande aussi de la motivation et de la patience :
"J'avais trouvé ça un peu long. Parce qu'on est en attente. C'est aussi pour voir si on est vraiment motivé. Mais c'est vrai qu'au début, on ne se rend pas compte de ça. On se disait : Qu'est-ce qu'ils attendent ? Nous, on est prêts !"
- Marie
La préparation du foyer
Dans l'attente de l'obtention de l'agrément et de l'embauche au sein du SPFS, Marie et sa famille se sont préparés longuement à l'accueil d'un potentiel enfant. Il était important pour elle de mettre à contribution chaque membre du foyer :
"J'ai deux enfants. Ma fille était encore à la maison et mon fils était en appartement mais il était intégré au projet quand même. Comme on était beaucoup dans l'attente, on a voulu préparer la chambre. Mais comme on ne savait pas quel enfant on allait accueillir, on avait envie de bien faire, donc on a essayé de faire une chambre un petit peu neutre au départ."
- Marie
Son mari s'est également pleinement investi dans cette nouvelle aventure :
"Il était menuisier. Il s'est investi avec moi dès le départ. C'est pour ça que très vite, il s'est lancé aussi dans ce métier. Je reste persuadée, là, même avec les années, que c'est un métier où il faut que tout le monde soit OK. On ne peut pas dire que c'est un métier de madame ou de monsieur et que l'un ou l'autre reste à l'écart, ce n'est pas possible."
- Marie
Des débuts compliqués
Le premier accueil de Marie a été marqué par la rencontre avec un enfant au parcours de vie particulièrement difficile. Déjà placé en famille d'accueil, il a dû en changer à la suite de la réorientation de son projet, une étape toujours délicate pour un enfant en pleine construction. Dès le départ, Marie avait l'appréhension de son handicap et des traumatismes qu'il a vécus. Elle confie :
"Au départ, quand on m'a parlé de l'handicap, ça m'a fait un peu peur, parce que je n'avais jamais travaillé avec ce public, mais je me suis dit, on y va, on essaye. On a terminé la chambre car on savait maintenant que c'était un garçon, qu'il avait 9 ans, donc on a été acheter une couette de garçon, une lumière bleue... Et puis, les murs, on les a laissés neutres, on s'était dit qu'après, il le décorera comme il en a envie"
- Marie
Une autre inquiétude est vite apparue : celle que l'enfant n'arrive pas à s'adapter à son nouveau lieu de vie. Pour l'aider à trouver sa place et créer de nouveaux repères, Marie a mis en place des petites attentions et des sorties partagées :
"On est sortis du village, on est allés faire des trucs à l'extérieur, on a été au parc, on a été au cinéma... Le but, c'était qu'il s'accroche un peu ici, qu'il puisse se sentir comme chez lui."
- Marie
Une adaptation et des défis à relever en famille
Accueillir un enfant en famille d'accueil, c'est aussi revoir ses habitudes et repenser sa façon de vivre au quotidien. Pour Marie et sa famille, cela a signifié être davantage présents, partager plus de moments pour créer du lien et rassurer l'enfant. Très demandeur d'attention et d'affection, il cherchait sans cesse le contact, parfois de manière excessive :
"On est un peu plus derrière. On se mettait beaucoup à table avec lui, on essayait de faire des jeux. Il était très dans l'affect avec les gens, un peu trop facilement. Si vous arriviez, qu'il ne vous connaissait pas, il pouvait vous dire : "T'es trop beau, je t'aime". Il faisait des bisous à tout le monde. Ça a été un gros travail qu'on a dû faire avec lui, de mettre de la distance avec les gens."
- Marie
La fille de Marie a aussi eu des difficultés avec l'arrivée de Quentin, notamment à l'école :
"Avec ma fille, ça a été compliqué. Au début, elle était pour que je fasse ce métier. Mais quand Quentin prenait le même bus qu'elle pour aller à l'école, elle l'a très mal vécu parce qu'il faisait un peu le guignol dans le bus. Et puis, à l'âge là, on sait qu'ils sont pas très sympas entre eux, les enfants. Elle est rentrée plusieurs fois en pleurs, en disant : "J'en ai marre, il fait l'idiot dans le bus. Et puis les autres, ils se foutent de lui, ils disent que mon frère est débile." Il a fallu faire un vrai travail de ce côté-là aussi."
- Marie
Marie a exposé les difficultés rencontrées au début, mais elle a tenu à nuancer ses propos :
"C'était un gamin très gentil, très poli. Il était toujours en demande pour donner un coup de main. Il m'aidait à faire la vaisselle, à mettre la table. Il voulait se sentir un peu indispensable. C'était un gamin très gentil. La problématique qu'on a vécue au départ c'était sur un an ou deux. Et après, ça s'est stoppé. Et pour ma fille, ça n'allait pas le temps où il a pris le bus avec elle. Après, c'était fini, elle était plus grande. Elle venait, elle s'installait avec lui et ils faisaient des jeux de société. Ils s'appellent encore aujourd'hui."
- Marie
Quand les difficultés sont surmontées
Malgré les difficultés rencontrées au début de ce premier accueil, Marie, sa famille et Quentin ont su s'adapter et partager des bons moments qui resteront gravés dans la mémoire de chacun :
"Pour moi, les meilleurs moments c'était les premières sorties qu'on a faites, par exemple, quand on allait au McDonald's. Le McDonald's, c'était... La joie ! Les bons côtés du cinéma aussi, il disait : "On va voir un film au cinéma, ça va être trop bien !". Les vacances aussi, c'est des super beaux moments. On l'a emmené à la mer. Il n'avait jamais été à la mer. Il faisait : "Waouh ! Il y a de l'eau !" et nous on répondait "Oui, il y a de l'eau" (rires). En fait, la découverte de plein de choses. Des choses qu'il n'a pas forcément connues.
- Marie
Concernant sa fille, Marie raconte :
"Pour ma fille, même si au début c'était compliqué, elle est toujours restée présente. Aujourd'hui, elle est psychologue et même si elle n'est plus à la maison, elle vient les voir, elle vient les chercher pour sortir, elle les emmène au cinéma... Là, on vient d'accueillir une petite fille, c'est le nouvel événement de la maison".
- Marie
Un regard rétrospectif sur son parcours
Aujourd'hui, Marie regarde en arrière et mesure le chemin parcouru. Elle nous confie n'avoir aucun regret quant au virage professionnel qu'elle a pris. Les premières craintes, les appréhensions face aux difficultés, ont laissé place à la fierté et à la satisfaction d'avoir aidé des enfants à grandir et à se construire :
"Ce métier m'a apporté et il m'apporte encore. Ça m'a donné beaucoup d'empathie. On s'imagine de l'extérieur, mais on ne se rend pas compte tant qu'on ne le vit pas même si je le voyais déjà chez ma tante qui avait des enfants. Et puis, quand on voit l'évolution des enfants sur les années, on se retourne et on se dit qu'on a fait un beau boulot, qu'on les a accompagnés dans leur vie. Et même le regard des enfants sur nous. Même s'il y a eu des moments difficiles, on voit qu'ils sont attachés à nous."
- Marie
Quentin aujourd'hui
Quentin est maintenant un jeune homme. Marie nous raconte son départ, lorsque le placement est arrivé à son terme :
"Il est arrivé petit, il est parti grand. On a tous pleuré. Le départ est presque aussi, voire plus marquant que l'arrivée. En sachant qu'on se dit qu'on l'a amené au bout du chemin. À son départ, on a fait une fête ici, on a invité les éducateurs qui ont travaillé avec lui. Il a eu droit à son écharpe. On a fait des photos, il était content. Il est allé dire au revoir à tout le village."
- Marie
Les liens tissés avec Quentin n'ont pas été rompus suite à ce départ :
"On l'a invité aux fêtes de famille. Quand il est venu, il a repris ses habitudes. Il est monté dans sa chambre. Il est très ritualisé. Par exemple, il savait que le vendredi, il sortait les poubelles et quand il est arrivé le vendredi, il a sorti les poubelles. Je lui ai dit : "T'habites plus ici, t'es plus obligé de le faire". Il m'a dit : "Si, c'est mon travail". L'autre fois, il nous a appelés, il nous a dit : "Merci, merci pour tout ce que vous avez fait pour moi". Il était venu passer Noël avec nous il y a 2 ans. Tout le monde a eu le droit à son petit cadeau. Il faisait partie de la famille. Là, maintenant, il fait sa petite vie. Mais je pense qu'il reviendra."
- Marie